sous ses yeux les pièces officielles dont elle s’était munie à son intention.
— Vous le voyez, monsieur, dit-elle, l’enfant est bien vivant, et, moyennant une grosse somme, une bonne femme s’en est chargée.
— C’est bien, madame, répondit-il après un examen attentif, et si votre conscience ne vous reproche rien, je n’ai, pour ma part, rien à vous dire.
— Ma conscience, monsieur, ne me reproche rien.
Le vieux médecin hocha la tête, et arrêtant sur la comtesse un de ses regards qui font tressaillir la vérité aux plus profonds replis de l’âme :
— Jureriez-vous, prononça-t-il, que vous n’avez pas été sévère jusqu’à la barbarie.
Elle détourna les yeux, et, prenant son plus grand air, répondit :
— J’ai agi comme le devait faire une femme de mon rang, et je suis surprise, je l’avoue, de trouver en vous un avocat de l’inconduite.
— Eh ! madame, s’écria le docteur, c’est de vous que devrait venir l’indulgence ; quelle pitié voulez-vous qu’espère des étrangers votre malheureuse enfant, si vous, sa mère, vous êtes impitoyable ?…
La comtesse ne voulut pas en entendre davantage, cette voix de la franchise offensait son orgueil, elle se leva.
— C’est tout ce que vous avez à me dire, docteur ? demanda-t-elle d’un ton hautain.
— Tout… oui, madame, et je n’ai jamais eu qu’une pensée, celle de vous épargner d’éternels remords.
Ici, le noble et bon docteur se trompait ; il ne pouvait s’imaginer qu’il rencontrait une exception. Mme de La Verberie était inaccessible aux remords. Mais cette âme, insensible à tout ce qui n’était pas jouissance ou satisfaction de la vanité, devait souffrir et souffrait cruellement.
Elle avait repris son train de vie ordinaire, mais ayant perdu une partie de ses revenus, elle ne pouvait plus arriver à joindre les deux bouts.