vous songé que votre honte pouvait me tuer ? Ah ! bien des fois, sans doute, avec votre amant, vous avez ri de mon aveugle confiance. C’est que j’avais foi en vous comme en moi-même, c’est que je vous croyais chaste et pure comme au temps où je veillais près de votre berceau. Je croyais… et cependant, les hommes, après boire, dans les cabarets, prononcent votre nom au milieu des risées, et ensuite se battent et se tuent pour vous. J’avais remis en vos mains l’honneur de notre maison, qu’en avez-vous fait ? Vous l’avez livré au premier venu.
C’en était trop. Ces mots « le premier venu » révoltèrent l’orgueil de Valentine. Elle ne méritait pas, non, elle ne pouvait mériter un pareil traitement. Elle essaya de protester.
— Je me trompe, reprit la comtesse, vous avez raison, votre amant n’était même pas le premier venu. Entre tous, vous êtes allée choisir l’héritier de nos ennemis séculaires, Gaston de Clameran. C’est celui-là qu’il vous fallait, entre tous ; un lâche qui allait publiquement se vanter de vos faveurs ; un misérable qui se vengeait de l’héroïsme de nos aïeux sur vous et sur moi, sur une femme et sur une enfant.
— Non, ma mère, non, cela est faux, il m’aimait, et s’il eût pu espérer votre consentement…
— Il vous eût épousée ? Ah ! jamais. Plutôt vous voir, de chute en chute, rouler jusqu’au ruisseau que vous savoir la femme d’un tel homme.
Ainsi, la haine de la comtesse s’exprimait précisément comme la colère du marquis de Clameran.
— D’ailleurs, reprit-elle, avec cette férocité dont une femme seule est capable, d’ailleurs il est noyé, votre amant, et le vieux marquis est mort à ce qu’on assure. Dieu est juste ; nous sommes vengées.
Les paroles de Saint-Jean, « qu’on se réjouirait à La Verberie », se représentèrent aussitôt à l’esprit de Valentine ; une joie odieuse éclatait dans les yeux de la comtesse.
Ce fut, pour l’infortunée jeune fille, le coup de grâce.