Que pouvait faire Valentine ? Accablée, humiliée, elle reprit, se traînant à grand’peine, le chemin si rapidement parcouru le matin. À cette heure, beaucoup de cultivateurs revenaient de la ville ; ils avaient appris les événements de la veille, et partout, sur son passage, l’infortunée jeune fille recueillait des saluts ironiques et les regards les plus insultants.
Arrivée près de La Verberie, Valentine trouva Mihonne qui la guettait :
— Ah ! mademoiselle, lui dit cette fille, arrivez bien vite. Madame a reçu une visite ce matin, et depuis elle vous demande à grands cris ; venez, mais prenez garde à vous, madame est dans un état effrayant.
On parle beaucoup et souvent des mœurs patriarcales de nos ancêtres. Il se peut qu’en effet il y ait eu des mœurs patriarcales autrefois, il y a longtemps. Ce qui est sûr, c’est que nos aïeules, bien autrement que nos femmes, Dieu merci ! avaient l’esprit prompt, la main leste et la parole libre, ne reculant ni pour un geste vif, ni pour le mot propre.
Mme de La Verberie avait gardé ces façons du bon temps où les plus grandes dames juraient ni plus ni moins qu’un charretier embourbé. C’est dire que dès que Valentine parut en sa présence, elle l’accabla des injures les plus violentes et les plus grossières.
La comtesse avait été informée des scènes de la veille, grossies et arrangées au gré de la malignité publique, par une vieille douairière, son intime, laquelle s’était habillée de grand matin, tout exprès pour venir, avec force condoléances, lui servir ce plat empoisonné.
En cette affaire affreuse, Mme de La Verberie avait vu beaucoup moins la perte de la réputation de sa fille que la ruine de ses projets à elle, projets de mariage, d’ambition, de fortune.
Une jeune fille, si cruellement compromise, ne devait pas trouver aisément un mari. Il devenait indispensable, avant de la présenter dans le monde, de laisser passer au moins deux années sur cette aventure.