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courage de raisonner froidement et de calculer. Ah ! ce n’est pas ainsi que je vous aime, moi. Hors vous, que me fait la terre entière ? Tous perdre, c’est mourir. Que le Rhône reprenne donc cette vie qu’il m’a miraculeusement rendue et qui maintenant m’est à charge.

Déjà il s’avançait vers le Rhône, décidé à mourir ; Valentine le retint.

— Est-ce donc là ce que vous appelez aimer ?

Gaston était absolument découragé, anéanti,

— À quoi bon vivre ? murmura-t-il ; que me reste-t-il désormais ?

— Il nous reste Dieu, Gaston, qui tient entre ses mains notre avenir.

La moindre planche semble le salut au naufragé ; ce seul mot avenir éclaira d’une lueur d’espérance les ténèbres de Gaston.

— Vous l’ordonnez, s’écria-t-il soudain ranimé, j’obéis. Assez de faiblesse. Oui, je veux vivre pour lutter et triompher. Il faut de l’or à Mme  de La Verberie, eh bien ! dans trois ans, j’aurai fait fortune ou je serai mort.

Valentine avait joint les mains et remerciait le ciel de cette détermination subite, qu’elle n’avait osé espérer.

— Mais avant de m’enfuir, continuait Gaston, je veux vous confier un dépôt sacré.

Il sortit de sa poche la bourse de soie qui renfermait les parures de la marquise de Clameran et la remit entre les mains de son amie.

— Ce sont les bijoux de ma pauvre mère, dit-il, seule vous êtes digne de les porter ; dans ma pensée, je vous les destinais.

Et comme elle refusait, comme elle hésitait :

— Prenez-les, insista-t-il, comme un gage de mon retour. Si dans trois ans je ne suis pas venu vous les réclamer, c’est que je serai mort, et alors vous les garderez comme un souvenir de celui qui vous a tant aimée.

Elle fondait en larmes, elle accepta…

— Maintenant, poursuivait Gaston, j’ai une dernière