et qu’il pourrait le remonter fort loin, pendant qu’on le chercherait encore parmi les arbres.
C’est qu’il ne songeait pas à la crue du fleuve. En arrivant près du fossé, il vit qu’il était plein d’eau.
Découragé, mais non déconcerté, il prenait son élan pour le franchir, quand, de l’autre côté, il aperçut trois cavaliers.
C’étaient des gendarmes qui avaient tourné les garancières et les châtaigniers, se disant que sur le terrain uni des champs de chardons, ils reprendraient l’avantage.
À leur vue, Gaston s’arrêta court.
Certes les tromper par un faux élan lui paraissait facile, mais ne serait-il pas pris dans ces champs à l’extrémité desquels il découvrait la cabane de Pilorel, le passeur ?
Rebrousser chemin, c’était se livrer aux hussards.
Sur sa droite, à une faible distance, il connaissait bien un petit bois, mais entre ce bois et lui, sur la route, il entendait sonner les sabots de plusieurs chevaux. Par là aussi, il était pris.
Enfin, à sa gauche, il avait le fleuve, grossi, près de déborder ; le Rhône écumant, bouillonnant, roulant avec un bruit sinistre ses eaux bourbeuses.
Que faire ?… Il sentait autour de lui se rétrécir le cercle dont il était le centre.
Fallait-il donc avoir recours au pistolet, et là, au milieu des champs, traqué par les gendarmes comme une bête fauve, se faire sauter la cervelle ? Quelle mort pour un Clameran !
Non. Il se dit qu’une chance encore de salut lui restait, faible, il est vrai, chétive, misérable, désespérée, mais enfin une chance. Il lui restait le fleuve.
Il y courut rapidement, tenant toujours ses pistolets armés, et alla se placer à l’extrémité d’un petit promontoire qui s’avançait de trois bons mètres dans le Rhône.
Ce cap de refuge était formé d’un tronc d’arbre ren-