Le maître de forges ne voulut rien voir. Il s’avança, toujours le chapeau sur la tête, et du même ton impertinent, il dit :
— Il est dix heures passées, messieurs.
Personne ne répondit et M. de Clameran allait poursuivre, lorsqu’il aperçut le banquier qu’il n’avait pas vu. Il marcha droit à lui.
— Enfin ! monsieur, s’écria-t-il, je vous trouve, et c’est vraiment fort heureux. Déjà une fois, ce matin, je me suis présenté, la caisse n’était pas ouverte, le caissier n’était pas arrivé ; vous étiez absent.
— Vous vous trompez, monsieur, j’étais dans mon cabinet.
— On m’a cependant affirmé le contraire, et tenez, c’est monsieur que voici qui me l’a assuré.
Et du doigt le maître de forges désignait Cavaillon.
— Cela d’ailleurs importe peu, reprit-il ; je reviens, et cette fois non-seulement la caisse est fermée, mais on me refuse l’entrée des bureaux. Bien m’en a pris de violer la consigne ; vous allez me dire si je puis, oui ou non, retirer mes fonds.
M. Fauvel écoutait tremblant de colère ; de blême il était devenu cramoisi ; pourtant il se contenait.
— Je vous serais obligé, monsieur, dit-il enfin d’une voix sourde, de vouloir bien m’accorder un délai.
— Il me semble que vous m’aviez dit…
— Oui, hier. Mais ce matin, à l’instant, j’apprends que je suis victime d’un vol de 350,000 francs.
M. de Clameran s’inclina ironiquement.
— Et faudra-t-il attendre bien longtemps ? demanda-t-il.
— Le temps d’aller à la Banque.
Aussitôt, tournant le dos au maître de forges, M. Fauvel revint à son caissier.
— Préparez un bordereau, lui dit-il ; envoyez au plus vite ; qu’on prenne une voiture pour retirer les fonds disponibles à la Banque.
Prosper ne bougea pas.