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sette de fer ciselé placée sur la tablette inférieure du secrétaire.

Le marquis de Clameran portait au cou, suspendue à un ruban noir, la clé de la cassette.

Il l’ouvrit, non sans une violente émotion, que remarquèrent ses enfants, et en tira lentement un collier, une croix, des bagues et divers autres bijoux.

Sa physionomie avait pris une expression solennelle.

— Gaston, mon fils bien-aimé, dit-il, votre vie, à cette heure, peut dépendre d’une récompense donnée à propos à qui vous aidera.

— Je suis jeune, mon père, j’ai du courage.

— Écoutez-moi. Ces bijoux que je tiens là sont ceux de la marquise votre mère, une sainte et noble femme, Gaston, qui du ciel veille sur nous. Ces bijoux ne m’ont jamais quitté. En mes jours de misère, pendant l’émigration, à Londres, quand je donnais pour vivre des leçons de clavecin, je les conservais pieusement.

Jamais l’idée de les vendre ne m’est venue, les engager même m’eût paru un sacrilége. Mais aujourd’hui… prenez ces parures, mon fils, vous les vendrez, elles valent une vingtaine de mille livres…

— Non, mon père, non !…

— Prenez, mon fils. Votre mère, si elle était encore de ce monde, vous dirait comme moi. J’ordonne. Il ne faut pas que le salut, que l’honneur de l’aîné de la maison de Clameran soit en danger faute d’un peu d’or.

Ému, les larmes aux yeux, Gaston s’était laissé glisser aux genoux du vieux marquis ; il lui prit la main, qu’il porta à ses lèvres.

— Merci, mon père, murmura-t-il, merci !… Il est arrivé qu’en ma présomptueuse témérité de jeune homme, je me suis permis de vous juger, je ne vous connaissais pas, pardonnez-moi !… J’accepte, oui j’accepte ces bijoux portés par ma mère ; mais je les prends comme un dépôt confié à mon honneur, et dont quelque jour je vous rendrai compte…

L’attendrissement gagnait le marquis de Clameran et