Page:Gaboriau - Le Dossier n°113, 1867.djvu/221

Cette page a été validée par deux contributeurs.

du café. Elle était solide, cette devanture, pourtant il la brisa ; les éclats de verre et de bois le meurtrirent et le déchirèrent en vingt endroits, mais il passa.

Gaston de Clameran était dehors, mais il n’était pas sauvé.

Surpris d’abord et presque déconcertés de son audace, ses adversaires, vite remis de leur stupeur, s’étaient jetés sur ses traces.

Lui, courait à travers le champ de foire, ne sachant quelle direction prendre.

Le temps était mauvais, le sol était détrempé, de gros nuages noirs couraient au ciel, poussés par le vent d’ouest, mais la nuit était claire.

Tout en courant d’arbre en arbre, faisant des crochets, à tout moment sur le point d’être saisi et entouré, Gaston se demandait quel parti prendre.

Enfin, il se décida à gagner Clameran, s’il le pouvait.

Il cessa donc ses feintes, et avec une incroyable rapidité, il traversa diagonalement le champ de foire, se dirigeant vers la levée, la levade, comme on dit dans le pays, qui met la vallée de Tarascon à l’abri des inondations.

Malheureusement, en arrivant à cette levée, plantée d’arbres magnifiques, une des plus délicieuses promenades de la Provence, Gaston oublia que l’entrée en est fermée par une de ces barrières à trois montants qu’on place devant les endroits réservés aux seuls piétons.

Lancé à toute vitesse, il alla se heurter contre, et fut renversé en arrière, non sans se faire un mal affreux à la hanche.

Il se releva promptement, mais les autres étaient sur lui.

Cette fois, il n’avait pas de merci à attendre. Les furieux qui le poursuivaient poussaient ce cri sinistre qui, plus d’une fois, aux mauvais jours, a épouvanté les échos de la vallée : Au Rhône ! au Rhône, le marquis !

Sa raison l’avait abandonné, il ne savait plus ce qu’il faisait. Un éclat de bouteille lui avait fendu le front, et le sang qui coulait en abondance de cette blessure, tombant dans ses yeux, l’aveuglait.