fermente vite et terriblement dans les cœurs et dans les têtes de la Provence.
Mais Gaston de Clameran n’était pas homme à reculer d’une semelle, eût-il eu cent, eût-il eu mille ennemis au lieu de quinze ou vingt.
— Il n’y a qu’un lâche, reprit-il d’une voix vibrante et que le silence rendait presque solennelle, il n’y a qu’un misérable lâche pour avoir l’infamie et la bassesse d’insulter, de calomnier une jeune fille dont la mère est veuve et qui n’a ni père ni frère pour défendre son honneur.
— Si elle n’a ni père, ni frère, ricana Lazet, elle a ses amants, et cela suffit.
Ces mots affreux : « ses amants… » portèrent à leur comble la fureur à grand’peine maîtrisée de Gaston, il leva le bras, et sa main retomba, avec un bruit mat, sur la joue de Lazet.
Il n’y eut qu’un cri, dans le café, un cri de terreur. Tout le monde connaissait la violence du caractère de Lazet, sa force herculéenne, son aveugle courage.
D’un bond, il franchit la table qui le séparait de Gaston, et tombant sur lui, il le saisit à la gorge.
Ce fut un moment d’affreuse confusion. L’ami de Clameran voulut venir à son secours, il fut entouré, renversé à coups de queues de billards, foulé aux pieds et poussé sous une table.
Également vigoureux, jeunes et adroits l’un et l’autre, Gaston et Lazet luttaient sans qu’aucun d’eux obtint d’avantage marqué.
Lazet, brave garçon, aussi loyal que courageux, ne voulait pas d’intervention. Les témoignages sur ce point sont unanimes. Il ne cessait de crier à ses amis :
— Retirez-vous, écartez-vous, laissez-moi faire seul !
Mais les autres étaient bien trop animés déjà pour rester simples spectateurs du combat.
— Une couverture ! cria l’un d’eux, vite une couverture pour faire sauter le marquis !
En même temps, cinq ou six jeunes gens se ruant sur Gaston le séparaient de Lazet, et le repoussaient jusqu’au