De ce moment, préoccupé de ces rires, qui, bien évidemment, avaient une intention malveillante, Gaston poussa ses billes tout de travers. Si évidente devint sa préoccupation, que son ami, tout surpris, lui dit :
— Qu’as-tu donc ? tu n’es plus au jeu, tu manques des carambolages tout faits.
— Je n’ai rien.
La partie continua une minute encore, mais tout à coup Gaston devint plus blanc que sa chemise, lança violemment sa queue sur le billard et s’élança vers la table du fond.
Ils étaient là cinq jeunes gens qui jouaient aux dominos en vidant un bol de vin chaud.
C’est à celui qui paraissait l’aîné, un beau garçon de vingt-six ans, aux grands yeux brillants, à la moustache noire fièrement retroussée, nommé Jules Lazet, que Gaston de Clameran s’adressa.
— Répétez donc, lui dit-il d’une voix que la colère faisait trembler, osez donc répéter ce que vous venez de dire !
— Qui donc m’en empêcherait ? répondit Lazet, du ton le plus calme. J’ai dit et je répète que les filles nobles ne valent pas mieux que les artisanes, et que ce n’est pas la particule qui fait la vertu.
— Vous avez prononcé un nom.
Lazet se leva comme s’il eût prévu que sa réponse exaspérerait le jeune Clameran, et que, des paroles, on en viendrait aux voies de fait.
— J’ai, dit-il, avec le plus insolent sourire, j’ai prononcé le nom de la jolie petite fée de La Verberie.
Tous les consommateurs du café et même deux commis voyageurs qui dînaient à une table près du billard, s’étaient levés et entouraient les deux interlocuteurs.
Aux regards provoquants qu’on lui lançait, aux murmures — aux huées plutôt — qui l’avaient accueilli quand il avait marché sur Lazet, Gaston devait comprendre, et il comprenait, qu’il était entouré d’ennemis.
Les méchancetés gratuites, les continuelles railleries du vieux marquis, portaient leurs fruits. La rancune