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sation bonne ou mauvaise, d’un cancan inoffensif ou mortel.

Ils croyaient tenir leur secret, et depuis longtemps déjà il avait pris sa volée, depuis longtemps déjà l’histoire de leurs amours, de leurs rendez-vous, défrayait les causeries des veillées.

Quelquefois, le soir, ils avaient aperçu une ombre, une barque glissant sur le fleuve, non loin du bord, et ils se disaient :

— C’est quelque pêcheur attardé qui rentre.

Ils se trompaient. Dans cette barque se tenaient cachés des curieux, des espions, qui, ravis de les avoir entrevus, allaient, en toute hâte, raconter avec mille détails mensongers, leur honteuse expédition.

C’est un soir du commencement de novembre que Gaston connut enfin la funeste vérité.

De longues pluies avaient grossi le Rhône, le Gardon donnait : on le voyait à la couleur des eaux ; on craignait une inondation.

Essayer de traverser à la nage ce torrent énorme, impétueux, c’eût été tenter Dieu.

Gaston de Clameran s’était donc rendu à Tarascon, comptant y passer le pont et remonter ensuite la rive droite du fleuve, jusqu’à La Verberie. Valentine l’attendait vers onze heures.

Par une fatalité inouïe, lui qui toujours lorsqu’il venait à Tarascon, dînait chez un de ses parents qui demeurait au coin de la place de la Charité, il dîna avec un de ses amis à l’hôtel des Trois-Empereurs.

Après le dîner, ils se rendirent, non au café Simon, où ils allaient habituellement, mais au petit café situé sur le champ de foire.

La salle, assez petite, de cet établissement, était, lorsqu’ils y entrèrent, pleine de jeunes gens de la ville. Le billard étant libre, Gaston et son ami demandèrent une bouteille de bière et se mirent à jouer au billard.

Ils étaient au milieu de leur partie, lorsque l’attention de Gaston fut attirée par des éclats de rire forcés, qui partaient d’une table du fond.