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Il demanda au garçon une plume et du papier, et oubliant qu’il n’est pas de situation qui excuse cette lâcheté abominable qui s’appelle une lettre anonyme, déguisant son écriture de son mieux, il écrivit à son ancien patron :

« Cher monsieur,

« Vous avez livré à la justice votre caissier, vous avez bien fait, puisque vous êtes certain qu’il a été infidèle.

« Mais si c’est lui qui a pris à votre caisse 350,000 fr., est-ce aussi lui qui a volé les diamants de Mme  Fauvel pour les porter au Mont-de-Piété, où ils sont actuellement ?

« À votre place, prévenu comme vous l’êtes, je ne ferais pas d’esclandre. Je surveillerais ma femme, et je découvrirais qu’il faut toujours se défier des petits-cousins.

« De plus, avant de signer le contrat de Mlle  Madeleine, je passerais à la préfecture de police m’édifier sur le compte du noble marquis de Clameran.

« un de vos amis. »

Sa lettre écrite, Prosper se hâta de payer et de sortir. Puis, comme s’il eût craint que sa dénonciation n’arrivât pas assez à temps, il se fit indiquer un grand bureau, et c’est rue du Cardinal-Lemoine qu’il la jeta à la poste.

Jusque-là il n’avait même pas douté de la légitimité de son action.

Mais, au dernier moment, lorsque ayant avancé la main dans la boîte, il lâcha la lettre, lorsqu’il entendit le bruit sourd qu’elle fit en tombant parmi les dépêches, mille scrupules lui vinrent.

N’avait-il pas eu tort d’agir avec cette précipitation ? Cette lettre n’allait-elle pas déranger tous les plans de M. Verduret ?…

Arrivé à l’hôtel, ses scrupules se changèrent en regrets amers.

Joseph Dubois était venu en son absence ; il était venu au reçu d’une dépêche du patron annonçant que tout