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Il n’y avait rien à dire à cette réponse si ferme et si logique. M. de Clameran chercha un biais.

— Je suis l’ami de M. Fauvel, dit-il, et, à ce titre, j’ai le droit d’être jaloux de sa considération comme de la mienne propre. Et si cette raison ne vous suffit pas, sachez qu’avant peu sa famille sera la mienne.

— Ah !

— C’est ainsi, monsieur, et avant huit jours mon mariage avec Mlle  Madeleine sera officiellement annoncé.

La nouvelle était à ce point imprévue, elle était si bizarre, qu’un moment le paillasse resta absolument décontenancé et pour tout de bon, cette fois.

Mais ce fut l’affaire d’une seconde. Il s’inclina bien bas avec un sourire juste assez ironique pour qu’on ne pût le relever, en disant :

— Recevez toutes mes félicitations, monsieur. Outre qu’elle est, ce soir, la reine du bal, Mlle  Madeleine a, dit-on, un demi-million de dot.

C’est avec une impatience visible, et en jetant de tous côtés des regards anxieux, que Raoul de Lagors avait écouté cette discussion.

— En voici trop, fit-il, d’un ton bref et dédaigneux ; je ne vous dirai, moi, qu’une chose, maître paillasse, vous avez la langue trop longue.

— Peut-être, mon joli mignon, peut-être ! Mais j’ai le bras plus long encore.

Clameran, lui aussi, avait hâte d’en finir.

— Assez, ajouta-t-il en frappant du pied, on n’a pas d’explication avec un homme qui cache sa personnalité sous les oripeaux de son costume.

— Libre à vous, seigneur doge, d’aller demander qui je suis au maître de la maison… si vous l’osez.

— Vous êtes, s’écria Clameran, vous êtes…

Un geste rapide de Raoul arrêta sur les lèvres du noble maître de forges une injure qui allait peut-être amener des voies de fait, et à tout le moins une provocation, du scandale, du bruit.

Le paillasse attendit un moment, un sourire gouailleur