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— Un malheur ? interrogea-t-il.

— Je veux parler, monsieur du vol dont M. Fauvel a été victime, et qui a fait assez de bruit, ce me semble.

— Ah ! oui, je sais. Son caissier a décampé en lui emportant 350,000 fr. Pardieu ! l’accident est vulgaire et je dirai presque quotidien. Quant à découvrir entre ce vol et mon récit le moindre rapport, c’est une autre affaire…

M. de Clameran tardait à répondre. Un violent coup de coude de Lagors l’avait calmé, comme par enchantement.

Devenu plus froid que marbre, il toisait le paillasse d’un regard soupçonneux et paraissait regretter amèrement les paroles significatives arrachées à son emportement.

— Soit ! fit-il de ce ton hautain, qui lui était familier, soit, j’ai pu me tromper ; après vos explications, je veux bien l’admettre et le croire.

Mais voilà que le paillasse, si niaisement humble l’instant d’avant, sur ce mot : Explications, se rebiffa. Il se campa fièrement, le poing sur la hanche, exagérant l’attitude du défi.

— Je ne vous ai donné, je n’avais à vous donner aucune explication.

— Monsieur !…

— Laissez-moi finir, s’il vous plaît. Si, sans le vouloir, j’ai blessé en quelque chose la femme d’un homme que j’estime, c’est à lui, ce me semble, seul juge et arbitre de ce qui intéresse son honneur, de me le faire savoir. Il n’est plus d’un âge, me direz-vous, à venir demander raison d’une offense, c’est possible ; mais il a des fils, et l’un d’eux est ici, je viens de le voir. Vous m’avez demandé qui je suis, à mon tour je vous dirai : Qui êtes-vous, vous, qui de votre autorité privée, vous constituez le champion de Mme Fauvel ? Êtes-vous son parent, son ami, son allié ? De quel droit l’insultez-vous en prétendant découvrir une allusion où il n’y a qu’une histoire inventée à plaisir ?