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croire à une plaisanterie de bal travesti, tant qu’on ne lui mettrait pas les points sur les i.

C’est dans l’esprit et le ton de son costume qu’il répondit :

— Ce sont mes papiers que vous me demandez, seigneur doge, et vous, mon mignon ? J’en ai, des papiers, mais ils sont entre les mains des autorités de cette cité, avec mes noms, prénoms, âge, profession, domicile, signes particuliers.

D’un geste furibond, M. de Clameran l’arrêta.

— Vous venez, dit-il, de vous permettre la plus infâme des perfidies !

— Moi ? seigneur doge !

— Vous !… Qu’est-ce que cette abominable histoire que vous débitiez ?

— Abominable !… cela vous plaît à dire, mais moi qui l’ai composée !…

— Assez, monsieur, assez, ayez au moins le courage de vos actes, et avouez que ce n’est qu’une longue et misérable insinuation à l’adresse de Mme  Fauvel.

Le paillasse, la tête renversée, comme s’il eût demandé des idées au plafond, écoutait, la bouche béante, de l’air ahuri d’un homme qui, moralement tombe des nues.

Qui l’eût connu, il est vrai, eût vu, dans son œil noir, pétiller la satisfaction d’une diabolique malice.

— Par exemple ! disait-il, semblant bien moins répondre que se parler à soi-même, par exemple ! voilà qui est fort. Où se trouve dans mon drame de la mandarine Li-Fô une allusion à Mme  Fauvel que je ne connais ni d’Ève ni d’Adam ? J’ai beau chercher, fouiller, scruter, d’honneur ! je ne vois pas. À moins que… mais non, c’est impossible.

— Prétendrez-vous donc, interrompit M. de Clameran, soutiendrez-vous donc que vous ignorez le malheur qui vient de frapper M. Fauvel ?

Mais le paillasse était bien décidé à laisser préciser les faits.