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Mais rien de ce qu’il avait dit n’avait semblé l’atteindre.

À demi-renversée sur son fauteuil, elle restait calme, son œil gardait sa clarté, même elle souriait doucement.

— Ah ! çà, pensait le paillasse un peu inquiet, aurais-je fait fausse route !

Si préoccupé qu’il fût, il aperçut cependant un nouvel auditeur, le doge M. de Clameran, qui, lui aussi, venait faire cercle.

— Au troisième tableau, continuait-il en faisant ronfler les r, la vieille mandarine a donné congé à ses remords, qui sont des locataires gênants. Elle s’est dit qu’à défaut d’amour, l’intérêt fixerait près d’elle le trop séduisant jouvenceau. C’est dans ce but que, l’ayant affublé d’une fausse dignité, elle le présente chez les principaux mandarins de la capitale du Fils du Ciel ; puis, comme il faut qu’un joli garçon fasse figure, elle se dépouille à son profit de tout ce qu’elle possède : bracelets, bagues, colliers, perles et diamants ; tout y passe. C’est aux maisons de prêt de la rue Tien-Tsi que le monstre porte tous ces joyaux, et il refuse, par-dessus le marché, d’en rendre les reconnaissances.

Le paillasse avait lieu d’en être satisfait.

Depuis un instant déjà, Mme Fauvel donnait des signes, bien manifestes pour lui, de malaise et d’agitation.

Une fois, elle avait essayé de se lever, de s’éloigner ; mais ses forces la trahissant, elle restait clouée à son fauteuil, forcée d’entendre.

— Cependant, mesdames et messieurs, continuait le paillasse, les plus riches écrins s’épuisent. Un jour vint où la mandarine n’eut plus rien à donner. C’est alors que le jeune bandit conçut le fallacieux projet de s’emparer du bouton de jaspe du mandarin Li-Fô, ce splendide bijou d’une valeur incalculable, insigne de sa dignité, déposé dans une cachette de granit, gardée nuit et jour par trois soldats. Ah ! la mandarine résista longtemps. Elle savait qu’on accuserait certainement les soldats innocents