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citais une autorisation de l’autorité — il saluait — de cette ville. Eh ! pourquoi ? Afin, messieurs, d’avoir l’honneur de vous soumettre un spectacle qui a déjà conquis les suffrages des cinq parties du monde et de plusieurs autres académies. C’est dans l’intérieur de cette loge, mesdames, que va commencer la représentation d’un drame inouï joué pour la première fois à Pékin, et traduit par nos plus fameux auteurs. Déjà, messieurs, on peut prendre ses places ; les quinquets sont allumés et les acteurs s’habillent.

Il s’interrompit, et, avec une perfection humiliante pour les instruments de cuivre et les grosses caisses, il imita les ritournelles déchirantes des musiques de saltimbanques.

— Mais, mesdames et messieurs, reprit-il, vous allez me dire : Si c’est dans la loge qu’on joue la pièce, que fais-tu ici ? Ce que j’y fais, messieurs, j’y suis pour vous donner un avant-goût des agitations, sensations, émotions, palpitations et autres distractions que vous pouvez vous payer moyennant le faible déboursé de cinquante centimes, dix sous !… Vous voyez ce superbe tableau ? Eh bien, il représente les huit scènes les plus terribles du drame. Ah ! je le vois, vous frémissez. Cependant, ce n’est rien. Ce magnifique tableau ne nous donne pas plus l’idée exacte de la représentation qu’une goutte d’eau ne donne idée de la mer, ou une étincelle l’idée du soleil. Mon tableau, messieurs, c’est la bagatelle de la porte, comme qui dirait la fumée qu’on aspire aux soupiraux des restaurants…

— Est-ce que vous connaissez ce paillasse ? demandait un énorme Turc à un mélancolique Polichinelle.

— Non, mais il imite supérieurement la trompette.

— Oh ! supérieurement. Mais où veut-il en venir ?

Ce qu’il voulait, le paillasse, c’était avant tout et surtout attirer l’attention de Mme  Fauvel, qui, depuis que Raoul et Madeleine s’étaient éloignés, s’était abandonnée à une rêverie profonde et sans doute douloureuse.

Il réussit.