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lasse, si je pouvais surprendre quelques mots ! Si j’étais derrière ces camélias, je suis sûr que j’entendrais.

Il manœuvra aussitôt en conséquence, mais s’approcher n’était pas aisé, il lui fallait tourner des groupes. Quand il arriva à la place désirée, Madeleine se levait et prenait le bras d’un Persan constellé de pierreries.

Au même moment, Raoul se leva et passa dans le salon de jeu où il dit quelques mots à l’oreille de Clameran.

— Et voilà !… se dit le paillasse, ces deux misérables tiennent ces deux pauvres femmes, et c’est en vain qu’elles se débattent entre leurs serres. Mais comment les tiennent-ils ?

Il réfléchissait quand tout à coup se fit un grand mouvement dans la galerie. C’est qu’on annonçait un menuet merveilleux dans le grand salon ; puis la comtesse de Commarin venait d’arriver en Aurore ; puis encore, il fallait aller admirer les émeraudes de la princesse Korasoff, les plus belles de l’univers.

En un instant la galerie fut presque vide. Il n’y restait plus que quelques pauvres isolés, des maris grincheux dont les femmes dansaient, et quelques jeunes hommes timides et gênés dans leurs costumes.

Le paillasse pensa que l’heure favorable à ses desseins était venue.

Brusquement il quitta sa place, brandissant sa bannière, frappant avec sa badine sur la toile, toussant avec affectation, en homme qui va parler. Il avait traversé la galerie et s’était placé entre le fauteuil occupé par Mme Fauvel et la porte du salon.

Aussitôt, accoururent autour de lui, faisant cercle, tous les invités restés dans la galerie.

Déjà il s’était posé dans la fière attitude de la tradition, le chapeau prodigieusement incliné sur l’oreille, le corps penché du même côté que le chapeau.

C’est avec une incroyable volubilité et du ton le plus emphatiquement bouffon qu’il commença :

— Mesdames et messieurs… Ce matin même je solli-