Page:Gaboriau - Le Dossier n°113, 1867.djvu/184

Cette page a été validée par deux contributeurs.

versations, et amis et ennemis étaient bien aises de l’approcher ; les uns, pour l’assurer de leur sympathie, les autres, pour lui offrir ces équivoques compliments de condoléance, qui sont ce qu’il y a au monde de plus blessant et de plus irritant.

Enrôlé dans le bataillon des hommes sérieux, M. Fauvel ne s’était pas travesti ; il avait simplement jeté sur ses épaules un court manteau de soie.

À son bras, Mme Fauvel, née Valentine de La Verberie, s’inclinait et saluait, avec la plus gracieuse affabilité.

Sa beauté avait été remarquable autrefois, et ce soir, la magie du costume y prêtant, l’illusion des lumières aidant, elle avait retrouvé la fraîcheur et l’éclat de la jeunesse. Jamais, on ne lui eût donné les quarante-huit ans qu’elle venait d’avoir.

Elle avait choisi une toilette de cour des dernières années du règne de Louis XIV, magnifique et sévère, toute de satin broché et de velours, sans un diamant, sans un bijou.

Et elle le portait avec une noblesse aisée, ayant grand air sous sa poudre, comme il convient — disaient quelques âmes charitables — à une La Verberie qui a eu le tort d’épouser un homme d’argent.

Mais c’est à Madeleine qu’allaient tous les regards. Elle semblait vraiment une reine sous ce costume de fille d’honneur, inventé comme à plaisir pour faire valoir les richesses de sa taille.

Aux tièdes parfums des salons, sous le rayonnement des lustres, sa beauté s’épanouissait. Jamais ses cheveux n’avaient été si noirs, jamais son teint n’avait paru si blanc, jamais ses grands yeux n’avaient eu ces lueurs.

Une fois entrée, Madeleine prit le bras de sa tante, pendant que M. Fauvel se perdait dans la foule, cherchant à gagner un des salons de jeu, refuges des hommes graves.

Le bal était alors à l’apogée de ses splendeurs.

Deux orchestres, sous la baguette de Strauss, et d’un