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Il était irrité de l’empire de plus en plus absolu que cet homme exerçait sur lui.

Les circonstances physiques augmentaient encore son ennui. Il était transi, glacé jusqu’à la moelle des os, et il se sentait gagné par un irrésistible engourdissement qui enveloppait sa pensée d’un brouillard opaque.

C’est que s’il n’est pas de limites à la puissance de l’imagination, les forces physiques ont des bornes. Après l’effort vient la réaction.

Enfoncé dans un coin, les pieds sur la banquette de devant, M. Verduret semblait dormir, et cependant jamais il n’avait été plus éveillé.

Il était aussi mécontent que possible. Cette expédition, qui devait, dans sa pensée, fixer ses hésitations, aboutissait à une complication.

Tous les fils qu’il avait cru tenir se brisaient dans sa main.

Certes, pour lui, les faits restaient les mêmes, mais les circonstances changeaient. Il ne découvrait plus quel mobile commun, quelle complicité morale ou matérielle, quelles influences poussaient à agir dans le même sens les quatre acteurs de son drame, Mme  Fauvel et Madeleine, Raoul et Clameran.

Et il cherchait en son esprit fertile, encyclopédie de ruses, quelque combinaison qui pût faire jaillir la lumière.

Minuit sonnait quand le fiacre arriva devant l’hôtel du Grand-Archange, et alors seulement M. Verduret, arraché à ses méditations, s’aperçut qu’il n’avait pas dîné.

Par bonheur, Mme  Alexandre attendait, et, en un clin d’œil, un souper fut improvisé. C’était plus que des prévenances, plus que du respect qu’elle avait pour son hôte. Pendant qu’il mangeait, Prosper le remarqua fort bien, elle considérait son compagnon avec une sorte d’admiration ébahie.

Ayant fini de manger, M. Verduret se leva.

— Vous ne me verrez pas demain dans la journée,