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— Pourvu, murmura-t-il, que notre cocher ne soit pas parti. Nous ne pouvons songer à prendre le train qui va passer : nous rencontrerions Raoul à la station.

Bien qu’il se fût écoulé plus d’une heure depuis que Prosper et son compagnon étaient descendus à l’embranchement des deux routes, le fiacre qui les avait amenés stationnait encore devant l’auberge indiquée par M. Verduret.

Le cocher n’avait pu résister au désir d’écorner le billet de cent francs gagné par ses chevaux ; il s’était fait servir à dîner ; le vin était de son goût, il restait.

La vue de ses bourgeois l’enchanta. Il ne retournerait donc pas à vide à Paris. Seulement, l’état dans lequel il les revoyait, le surprit étrangement.

— Comme vous voilà faits ! s’écria-t-il.

Prosper répondit simplement qu’allant visiter un de leurs amis, ils s’étaient égarés et étaient tombés dans une fondrière, — comme s’il y avait des fondrières dans le bois du Vésinet.

— C’est donc cela ! fit le cocher.

En apparence, il se contentait de l’explication. Au fond, il n’était pas fort éloigné de croire que ses deux pratiques venaient de tenter, sinon de commettre quelque mauvais coup.

Cette dernière opinion dut être celle de quelques personnes présentes, car il y eut des regards singuliers d’échangés.

Mais M. Verduret coupa court à tous les commentaires.

— Partons-nous ? demanda-t-il de sa voix la plus impérieuse.

— Voilà ! bourgeois, répondit le cocher : le temps de régler, et je suis à vous. Montez toujours.

La route, au retour, fut mortellement longue et silencieuse.

Prosper avait d’abord essayé de faire causer son étrange compagnon, mais comme il ne répondait que par monosyllabes, il mit son amour-propre à se taire.