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— C’est contre la joie alors qu’il vous faut être fort, mon ami. Avant un mois, vous regretterez amèrement vos flétrissants soupçons de ce soir. Vous rougirez en songeant que vous avez pu croire Madeleine la maîtresse d’un Lagors.

— Cependant, monsieur, les apparences !…

— Eh ! c’est des apparences qu’il faut se défier. Pardieu ! un soupçon, faux ou juste, est toujours basé sur quelque chose. Mais nous ne pouvons pas nous éterniser ici, votre gredin de Raoul a refermé la grille, je l’ai vu ; il faut nous retirer par le chemin de tout à l’heure.

— Mais l’échelle !…

— Qu’elle reste où elle est ; comme nous ne saurions effacer nos traces, le tout sera mis sur le compte des voleurs.

De nouveau ils franchirent le mur. Ils n’avaient pas fait cinquante pas sur la route, qu’ils entendirent le bruit d’une grille qui se refermait. Ils distinguèrent des pas et bientôt un homme les dépassa qui gagnait la station. Quand il fut à quelque distance :

— C’est Raoul, fit M. Verduret, notre domestique de tantôt, Joseph, nous apprendra qu’il est allé rendre compte à Clameran de la scène. Si seulement ils avaient l’amabilité de parler français…

Il marcha un moment sans mot dire, cherchant à renouer le fil rompu de ses déductions.

— Comment diable, reprit-il tout à coup, ce Lagors qui ne doit chercher que le monde, le plaisir et le jeu, est-il venu choisir une maison isolée au Vésinet ?

— Sans doute, répondit Prosper, parce que la maison de campagne de M. Fauvel est à un quart d’heure d’ici au bord de la Seine.

— C’est une explication, cela, pour l’été ; mais l’hiver ?

— Oh ! l’hiver, il a une chambre à l’hôtel du Louvre, et, en toute saison, il dispose d’un appartement à Paris.

— Tout cela n’éclairait pas M. Verduret ; il se mit à marcher plus vite.