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suis pas aveugle, ce sont là des reconnaissances du Mont-de-Piété !

Parmi toutes les feuilles étalées sur la table, Madeleine cherchait. Elle en prit trois, qu’elle plia et mit dans sa poche, et repoussa les autres avec un dédain bien manifeste.

Elle était, cette fois, résolue à se retirer, car sur un mot qu’elle dit, Raoul prit la lampe pour l’éclairer.

M. Verduret n’avait plus rien à voir. Tout en redescendant avec mille précautions, il murmurait :

— Des reconnaissances du Mont-de-Piété !… Quel mystère d’infamie cache donc cette affaire !…

Avant tout, il s’agissait de dissimuler l’échelle.

Raoul en reconduisant Madeleine, pouvait avoir l’idée de faire quelque pas dans le jardin, et, malgré l’obscurité, la découvrir, cette échelle qui, ainsi dressée, se détachait en noir sur la muraille.

En toute hâte, M. Verduret et Prosper la couchèrent à terre, sans souci des arbustes qu’ils brisaient, et allèrent se poster où l’ombre était plus épaisse, dans un endroit d’où ils surveillaient à la fois et la porte de la maison et la grille.

Presqu’au même moment, Raoul et Madeleine parurent sur le perron. Raoul avait posé sa lampe sur la première marche, il offrit la main à la jeune fille, mais elle le repoussa d’un geste empreint d’une insultante hauteur, qui, vu par Prosper, lui versa du baume dans le sang.

Ce mépris ne parut ni émouvoir, ni surprendre Raoul ; il répondit simplement par ce geste ironique qui signifie : « Comme vous voudrez ! »

Il alla jusqu’à la grille, l’ouvrit et la referma lui-même, puis rentra bien vite, pendant que la voiture de Madeleine, s’éloignait au grand trot.

— Maintenant, monsieur, interrogea Prosper, que le doute torturait, souvenez-vous que vous m’avez promis la vérité, quelle qu’elle soit. Parlez, ne craignez rien, je suis fort.