— Si vous faites du bruit, dit-il, si vous donnez l’éveil, c’en est fait de nos espérances.
— Je n’ai plus d’espérance.
— Raoul, mis sur ses gardes, nous échappe, et vous restez à jamais déshonoré.
— Que m’importe !
— Mais il m’importe à moi, malheureux ! à moi qui ai juré de faire éclater votre innocence. À votre âge, on retrouve toujours une maîtresse, on ne retrouve jamais son honneur perdu.
Pour la passion vraie, il n’est pas de circonstances extérieures. M. Verduret et Prosper étaient là, sous la pluie, mouillés jusqu’aux os, les pieds dans la boue, et ils discutaient !
— Je veux me venger, répétait Prosper, avec cette persistance idiote de l’idée fixe, je veux me venger.
— Vengez-vous, soit ! s’écria M. Verduret, que la colère gagnait, mais comme un homme alors et non comme un enfant.
— Monsieur !
— Oui, comme un enfant. Que ferez-vous, une fois dans la maison ? Avez-vous des armes ? Non. Vous vous précipitez donc sur Raoul, vous lutterez donc corps à corps avec lui ? Pendant ce temps, Madeleine regagnera sa voiture, et après ? Serez-vous seulement le plus fort ?
Accablé par le sentiment de son impuissance évidente, Prosper se taisait.
— À quoi bon des armes ! poursuivait M. Verduret, il faut être insensé pour tuer un homme qu’on peut envoyer au bagne.
— Que faire, alors ?
— Attendre. La vengeance est un fruit délicieux qu’il faut laisser mûrir.
Prosper était ébranlé ; M. Verduret le comprit, et il lança son dernier argument, le plus sûr, celui qu’il tenait en réserve.
— D’ailleurs, ajouta-t-il, qui nous assure que Mlle Madeleine est ici pour son compte ? Ne sommes-nous pas