— Le voilà donc, poursuivait Prosper, ce secret surpris par Nina. Madeleine, cette noble et pure Madeleine, en qui j’avais foi comme en ma mère est la maîtresse de ce faussaire, qui a volé jusqu’au nom qu’il porte. Et moi, imbécile d’honnête homme, j’avais fait de ce misérable mon meilleur ami. C’est à lui que je disais mes angoisses et mes espérances… et il était son amant !… Et moi, j’étais sans doute le divertissement de leurs rendez-vous, ils riaient de mon amour ridicule, de ma stupide confiance !…
Il s’interrompit, il succombait à la violence de ses émotions. Le déchirement de l’amour-propre ajoute une souffrance aiguë aux plus atroces douleurs. Cette certitude d’avoir été si indignement trahi et joué, le transportait jusqu’au délire.
— Mais c’est assez d’humiliations comme cela, reprit-il avec un accent de rage inouï ; il ne sera pas dit que lâchement j’aurai courbé la tête sous les plus sanglants affronts.
Il allait s’élancer vers la maison ; M. Verduret, qui, autant que le lui permettait l’obscurité, surveillait ses mouvements, l’arrêta.
— Que voulez-vous faire ?
— Me venger. Ah ! je saurai bien briser la porte, maintenant que je ne redoute plus ni le scandale ni le bruit et que je n’ai plus rien à perdre. Je ne cherche plus à me glisser dans la maison furtivement, comme un voleur, j’y veux entrer en maître, en homme qui mortellement offensé vient demander raison de l’offense.
— Vous ne ferez pas cela Prosper.
— Qui donc m’en empêchera !
— Moi !
— Vous ?… Non, ne l’espérez pas. Paraître, les confondre, les tuer, mourir après, voilà ce que que je veux, voilà ce que je vais faire.
Si M. Verduret n’avait pas eu des poignets de fer, Prosper lui échappait. Il y eut entre eux une courte lutte, mais M. Verduret l’emporta.