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une femme du genre de celle-là, on prend ses mesures pour s’en faire débarrasser administrativement. » Cette idée les a fait beaucoup rire.

— Je crois bien ! approuva M. Verduret ; elle est excellente l’idée ; le malheur est qu’il est trop tard pour l’exécuter. Le rien, que redoutait Clameran, est déjà tombé dans une oreille intelligente. Cependant, comme je ne veux pas que ces gaillards-là brouillent mes cartes, il faut aviser le bureau des mœurs.

— C’est fait, patron, répondit joyeusement maître Joseph.

C’est avec une curiosité fiévreuse, haletante, que Prosper écoutait ce rapport, dont chaque mot, pour ainsi dire, éclairait d’un jour nouveau les événements. Il s’expliquait, maintenant, croyait-il, le fragment de lettre de Gypsy. Ce Raoul, qui avait eu toute sa confiance, ne pouvait être, il le comprenait, qu’un misérable. Mille circonstances inaperçues jadis lui revenaient, et il se demandait comment il avait pu si longtemps être frappé d’aveuglement.

Maître Joseph, cependant, poursuivait :

— Hier, après son dîner, mon bourgeois s’est fait beau comme un fiancé. Je l’ai rasé, frisé, parfumé, adonisé, après quoi il est monté en voiture et je l’ai conduit rue de Provence, chez M. Fauvel.

— Comment ! s’écria Prosper, après ses paroles insultantes, le jour du vol, il a été assez hardi pour s’y représenter.

— Oui, mon jeune monsieur, il a eu cette audace, et même il a osé y rester toute la soirée, jusqu’à près de minuit, à mon grand détriment, car j’ai été, sur mon siége, trempé comme une soupe.

— Quel air avait-il en sortant ? demanda M. Verduret.

— L’air moins content qu’en arrivant, c’est positif. Quand, mon cheval bouchonné et ma voiture remisée, je suis allé lui demander s’il n’avait besoin de rien, j’ai trouvé sa porte fermée, et il m’a crié des injures au travers.