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rais, quand même, que Madeleine, me reviendrait. Je sais aujourd’hui qu’entre elle et moi tout est fini ; je me retire de la lutte.

Si évidente était la résolution de Prosper, qu’un instant M. Verduret parut alarmé.

— Vous devenez fou, prononça-t-il.

— Non, malheureusement. Madeleine ne m’aime plus, que m’importe le reste.

Son accent était à ce point désespéré, que M. Verduret fut ému.

— Ainsi, reprit-il, vous ne soupçonnez rien ? Vous n’avez pas su démêler le sens de ses paroles ?

Prosper eut un geste terrible.

— Vous écoutiez ! s’écria-t-il.

— Je l’avoue.

— Monsieur !…

— Oui ! ce n’est pas fort délicat peut-être ; mais qui veut la fin veut les moyens. J’ai écouté et je m’en applaudis, puisque je puis, à présent, vous dire : Reprenez courage, Prosper, Mlle Madeleine vous aime ; elle n’a jamais cessé de vous aimer.

Alors même qu’il le sait, qu’il se sent perdu, près de mourir, le malade prête l’oreille aux promesses du médecin. L’affirmation si précise de M. Verduret éclaira d’une lueur d’espoir la douleur de Prosper.

— Oh ! murmura-t-il, soudainement calmé, si je pouvais croire…

— Croyez-moi, car je ne saurais me tromper. Ah ! vous n’avez pas deviné comme moi les tortures de cette généreuse jeune fille, se débattant entre son amour et ce qu’elle croit son devoir. Votre cœur n’a donc pas battu à ses paroles d’adieu ?…

— Elle m’aime, elle est libre, et elle me fuit…

— Libre !… Non, elle ne l’est pas. En vous rendant sa parole, elle obéissait à une volonté supérieure et irrésistible. Elle se dévouait… Pour qui ? Nous le saurons bientôt, et le secret de son dévoûment nous apprendra le secret de la machination dont vous êtes victime.