Il semblait tout prévoir et tout deviner ; il connaissait Cavaillon, il savait les démarches de Madeleine, il avait pu obliger à l’obéissance l’indépendante Gypsy.
Il arriva rapidement à un tel degré d’exaspération qu’au moment où M. Verduret entra dans le petit salon, il marcha sur lui comme un furieux, pâle, menaçant, et d’une voix brève et dure, lui dit :
— Qui êtes-vous ?
Le gros homme ne parut que très-modérément surpris de cet accès de violence.
— Un ami de votre père, dit-il, ne le savez-vous pas ?
— Ce n’est pas une réponse, monsieur. J’ai pu dans un moment de surprise abdiquer ma volonté entre les mains d’un inconnu, mais à cette heure…
— Quoi ? Est-ce ma biographie que vous demandez ? Ce que je suis, ce que j’ai été, ce que je pourrais être ?… Que vous importe ? Je vous ai dit : Je vous sauverai ; l’essentiel est que je vous sauve.
— Encore ai-je le droit de vous demander par quels moyens.
— À quoi bon ?
— Afin d’accepter vos moyens, monsieur, ou de les rejeter.
— Et si je vous réponds du succès !…
— Cela ne suffit pas, monsieur, et il ne saurait me convenir d’être plus longtemps privé de mon libre arbitre, d’être exposé, sans être prévenu, à des épreuves comme celles d’aujourd’hui. Un homme de mon âge doit savoir ce qu’il fait.
— Un homme de votre âge, Prosper, quand il est aveugle, prend un guide, et il se garde de la prétention d’enseigner le chemin à celui qui le conduit.
Le ton de M. Verduret, moitié de raillerie, moitié de commisération, n’était pas fait pour calmer l’irritation croissante de Prosper.
— Puisqu’il en est ainsi, s’écria-t-il, merci de vos services, monsieur, je n’en ai que faire. Si je combattais pour défendre mon honneur et ma vie, c’est que j’espé-