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d’étoffes, elle disposait les plis d’une jupe de velours rouge lamé d’or, sans doute la jupe de son costume de fille d’honneur de Catherine de Médicis.

À la vue de Prosper, tout son sang afflua à son visage, ses beaux yeux se fermèrent à demi, comme si elle eût été près de s’évanouir, et les forces lui manquèrent à ce point, qu’elle fut obligée de s’appuyer à la table pour ne pas tomber.

Madeleine n’était pas, et Prosper ne pouvait l’ignorer, de ces femmes fortes dont le cœur glacé laisse l’esprit toujours libre, qui ont des sensations, jamais un sentiment vrai, héroïnes de romans qui trouvent un expédient pour toutes les circonstances.

Âme tendre et rêveuse, elle devait aux particularités de sa vie une sensibilité exquise, presque maladive. Mais elle était fière, mais elle était incapable d’une transaction de conscience. Quand le devoir avait parlé, elle obéissait.

Sa défaillance ne dura qu’un moment, et bientôt ses yeux si tendres n’exprimèrent plus que la hauteur et le ressentiment. C’est d’une voix offensée qu’elle dit :

— Qui vous a fait si hardi, monsieur, d’oser épier mes démarches ? Comment vous êtes-vous permis de me suivre, de pénétrer dans cette maison ?

Certes, Prosper n’était pas coupable. Il eût voulu d’un mot expliquer tout ce qui s’était passé. L’impuissance où il était d’exprimer sa pensée lui fit garder le silence.

— Vous m’aviez juré, poursuivit Madeleine, sur l’honneur, de ne jamais chercher à me revoir. Est-ce ainsi que vous tenez votre parole ?

— Je l’avais juré, mademoiselle, mais…

Il s’arrêta.

— Oh ! parlez !

— Tant d’événements sont survenus depuis ce jour, que j’ai pu croire oublié, ne fût-ce que pour une heure, ce serment arraché à ma faiblesse. C’est au hasard, c’est, du moins, à une volonté qui n’est pas la mienne, que je dois le bonheur de me trouver une fois encore près de