Il était, tout à la fois, si pressé et si alarmé qu’il ne songea ni à féliciter son grand ami Prosper, ni même à lui serrer la main. Il s’adressa immédiatement à M. Verduret.
— Elles sont parties, dit-il.
— Depuis longtemps ?
— Non, depuis un quart d’heure à peu près.
— Diable ! fit M. Verduret, nous n’avons pas une minute à perdre, cela étant.
Et remettant à Cavaillon le billet qu’il avait écrit quelques heures plus tôt chez Prosper :
— Tenez, dit-il, faites-lui passer ceci et rentrez vite, qu’on ne s’aperçoive pas de votre absence ; sortir sans chapeau est une imprudence qui peut donner l’éveil.
Le petit Cavaillon ne se le fit pas répéter deux fois, et il partit en courant, comme il était venu. Prosper était stupéfait.
— Quoi ! fit-il, vous connaissez Cavaillon ?
— Il paraît, répondit M. Verduret avec un sourire. Mais ce n’est pas le moment de causer, arrivez, hâtons-nous !
— Où allons-nous encore ?
— Vous le saurez ; allons, des jambes, des jambes !…
Lui-même donnait l’exemple, et c’est presque au pas gymnastique qu’il remontait la rue Lafayette. Tout en marchant, tout en courant, plutôt, il parlait, s’inquiétant assez peu d’être ou non entendu de Prosper.
— Ah ! voilà ! disait-il, ce n’est pas en restant les deux pieds dans le même soulier qu’on gagne des prix à la course. Une piste trouvée, on ne doit plus prendre une minute de repos. Le sauvage qui dans ses forêts vierges a relevé le pied d’un ennemi le suit sans désemparer, sachant que le vent qui souffle ou la pluie qui tombe suffisent pour effacer l’empreinte. De même pour nous, le moindre événement peut faire disparaître les traces que nous suivons.
Arrivé devant le no 81, M. Verduret s’interrompit et s’arrêta du même coup.