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VIII


Lorsqu’il avait parlé de l’abattement extraordinaire de M. André Fauvel, Raoul de Lagors n’avait rien exagéré.

Depuis le jour funeste, où, sur sa dénonciation, son caissier avait été arrêté, le banquier, cet homme actif jusqu’à la turbulence, en proie à la plus noire mélancolie, avait absolument cessé de s’occuper de ses affaires.

Lui, l’homme de la famille par excellence, il ne paraissait plus au milieu de sa famille qu’à l’heure des repas ; il mangeait à la hâte quelques bouchées et aussitôt disparaissait.

Enfermé dans son cabinet, il faisait défendre sa porte. Ses traits contractés, son insouciance de toutes choses, ses continuelles distractions, trahissaient les préoccupations d’une idée fixe ou l’empire tyrannique de quelque secrète douleur.

Le jour de la mise en liberté de Prosper, sur les trois heures, M. Fauvel était comme de coutume assis à son bureau, les coudes sur la tablette, le front dans les mains, l’œil perdu dans le vide, lorsque son garçon de bureau entra précipitamment, l’air effaré.

— Monsieur, disait cet homme, c’est l’ancien caissier, M. Bertomy, qui est là avec un de ses parents ; il veut vous voir absolument, vous parler.

Le banquier, sur ces mots, se dressa d’un bond, plus bouleversé que s’il eût vu la foudre tomber à trois pas de lui.

Prosper ! s’écria-t-il, d’une voix étranglée par la colère, comment, il ose…