Page:Gaboriau - Le Dossier n°113, 1867.djvu/138

Cette page a été validée par deux contributeurs.

lant sa casquette, fort intrigué de l’autorité que s’arrogeait cet inconnu chez son locataire.

— Qui vous a remis le pli que vous venez de monter ? demanda M. Verduret.

— Un commissionnaire qui m’a dit que la course était payée.

— Le connaissez-vous ?

— Je ne connais que lui : c’est le commissionnaire qui a ses crochets chez le marchand de vin du coin de la rue Pigalle.

— Allez me le chercher.

Pendant que le concierge sortait en courant, M. Verduret avait tiré son calepin de sa poche, et consultait alternativement et les billets de banque épars sur la table, et une page toute couverte de chiffres.

Son examen terminé :

— Ces billets, dit-il d’un ton décidé, ne sont pas envoyés par l’auteur de la soustraction.

— Vous croyez, monsieur ?

— J’en suis persuadé ; à moins, toutefois, que ce voleur ne soit doué d’une pénétration et d’une prévoyance extraordinaires ; ce qui est certain, positif, c’est qu’aucun de ces billets de mille francs ne faisait partie des trois cent cinquante qui ont été volés dans votre caisse.

— Cependant, hasarda Prosper, qui ne s’expliquait pas la certitude de son protecteur, cependant…

— Il n’y a pas de cependant ; j’ai là le numéro d’ordre de tous les billets…

— Quoi ! lorsque moi-même je ne l’avais pas !

— La Banque l’avait, mon jeune ami, et c’est fort heureux. Quand on s’occupe d’une affaire, on doit tout prévoir et ne rien oublier. Ce n’est pas une excuse pour un homme d’esprit, que de dire, quand il est tombé dans quelque bévue : tiens, je n’y avais pas pensé ! J’ai songé à la Banque.

Si Prosper avait eu d’abord quelques répugnances à s’abandonner entièrement à l’ami de son père, ces répugnances, une à une, s’évanouissaient.