Page:Gaboriau - Le Dossier n°113, 1867.djvu/136

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Le caissier venait à peine de passer dans sa chambre à coucher, quand un nouveau coup de sonnette retentit.

M. Verduret alla ouvrir. C’était le portier ; il tenait à la main un pli assez volumineux.

— Voilà, dit-il, une lettre qu’on a apportée ce matin pour M. Bertomy, j’ai été, quand je l’ai revu, tellement saisi, que je n’ai pas songé à la lui remettre. C’est tout de même une drôle de lettre, n’est-ce pas, monsieur ?

Lettre singulière en effet ! L’adresse n’était pas écrite à la main ; les mots qui la composaient étaient formés avec des lettres imprimées, découpées soigneusement sur un livre ou sur un journal, et collées sur l’enveloppe.

— Oh ! fit M. Verduret, qu’est ceci ?

Et s’adressant au concierge :

— Asseyez-vous un instant ici, mon brave, dit-il, je reviens.

Il laissa le concierge dans la salle à manger et passa dans le salon, dont il eut soin de refermer la porte. Prosper s’y trouvait ; il avait entendu la sonnette d’abord, puis un bruit de voix, et il venait savoir ce qu’il se passait.

— Voici ce qu’on a apporté pour vous, fit M. Verduret.

Et sans façon il brisa l’enveloppe.

Des billets de banque s’en échappèrent ; il les compta, il y en avait dix.

Prosper était devenu pourpre.

— Qu’est-ce que cela signifie ? dit-il.

— Nous allons le savoir, répondit M. Verduret, voici un mot joint à l’envoi.

Ce billet, comme l’adresse, était composé de lettres et de mots imprimés, découpés et collés.

Il était court, mais explicite :

« Mon cher prosper, un ami qui connaît l’horreur de votre situation vous fait passer ce secours. Il est un cœur, sachez-le, qui a partagé toutes vos angoisses. Partez, quittez la France, vous êtes jeune, l’avenir vous appartient. Partez, et puisse cet argent vous porter bonheur. »