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lettre qu’il n’avait pas écrite. Que lui avait-on fait dire ? Qu’était-ce donc que cet homme dont il avait accepté le concours ?

— Manquerais-tu de courage ? continuait M. de Lagors. Pourquoi désespérer ? À notre âge, il est temps encore de recommencer sa vie. Tu as des amis quand même. Si je suis venu, c’est que je voulais te dire : Compte sur moi. Je suis riche, la moitié de ma fortune est à ta disposition.

Cette offre généreuse, faite en ce moment avec la plus noble simplicité, toucha profondément Prosper.

— Merci, Raoul, répondit-il d’une voix émue, merci ! Malheureusement tout l’argent de la terre ne me servirait à rien en ce moment.

— Comment cela ? Quels sont donc tes projets ? Te proposerais-tu de rester à Paris ?

— Je ne sais, mon ami, je n’ai pas de projets ; j’ai la tête perdue.

— Je te l’ai dit, reprit vivement Raoul, il faut recommencer ta vie. Excuse ma franchise, c’est celle de l’amitié ; tant que ce vol mystérieux ne sera pas expliqué, rester à Paris est impossible.

— Et si on ne l’explique jamais ?

— Raison de plus pour te faire oublier. Tiens, je causais de toi, il y a une heure, avec Clameran ; tu es injuste envers lui, car il t’aime. À la place de Prosper, me disait-il, je ferais argent de tout, je partirais pour l’Amérique, je ferais fortune et je reviendrais écraser de mes millions ceux qui m’ont soupçonné.

Ce conseil révoltait la fierté de Prosper. Il n’éleva cependant aucune objection. Les paroles de cet inconnu qui écoutait en ce moment même lui revenaient à la mémoire.

— Eh bien ! insista Raoul.

— Je réfléchirai, murmura le caissier, je verrai… je voudrais savoir ce que dit M. Fauvel.

— Mon oncle !… Tu sais que depuis que j’ai décliné la proposition qu’il me faisait d’entrer dans ses bureaux