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— Quoi ! s’écria Prosper étourdi, vous pouvez supposer…

— Oh ! je ne suppose rien. Seulement, il faut que je voie ce jeune homme. Même, j’ai dans la tête, et je vais vous soumettre un petit plan de conversation…

Un coup de sonnette coupa la parole à M. Verduret.

— Sacrebleu ! dit-il, le voici ; adieu mon plan ! Où me cacher pour entendre et pour voir ?

— Là, dans ma chambre, en laissant la porte ouverte et la portière baissée.

Un second coup de sonnette retentit.

— J’y vais ! j’y vais ! cria le caissier.

— Sur votre vie, Prosper, dit M. Verduret d’un ton à faire pénétrer la conviction dans l’esprit le plus rebelle, sur votre vie, pas un mot à cet homme de vos projets ni de moi. Soyez, pour lui, découragé, faible, hésitant…

Et il disparut pendant que Prosper courait ouvrir à Raoul.

Le portrait de M. de Lagors n’avait pas été flatté par son ami. Jamais plus heureuse physionomie ne fut au service d’un noble caractère.

À vingt-quatre ans, qu’il se donnait, Raoul en paraissait vingt à peine. De taille moyenne, il était admirablement pris. D’abondants cheveux châtain clair, bouclaient naturellement autour de son front intelligent. La franchise et la fierté éclataient dans ses grands yeux bleus.

Son premier mouvement fut de se jeter au cou du caissier.

— Pauvre cher ami, disait-il en lui serrant les mains, pauvre cher Prosper !…

Cependant, sous ces démonstrations affectueuses, perçait une certaine contrainte qui, si elle échappait au caissier, devait être remarquée par M. Verduret.

Une fois assis dans le salon :

— Ta lettre, mon ami, poursuivit Raoul, m’a fait un mal affreux. J’ai été épouvanté. Je me suis dit : devient-il fou ? Alors, j’ai tout quitté ; j’accours.

Prosper semblait à peine entendre, préoccupé de cette