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l’ami de Prosper, c’est vrai ; mais il est l’ami, il est le protecteur de Raoul de Lagors. Pourquoi ? D’où vient l’intimité de ces deux hommes d’âges si différents ? Il faut le savoir. Il faut savoir aussi ce que c’est que ce maître de forges qui habite Paris et ne s’occupe nullement de ses hauts-fourneaux. Un gaillard qui a eu cette idée d’aller se loger à l’hôtel du Louvre, au milieu d’une cohue sans cesse renouvelée, est un gaillard difficile à surveiller. Par toi, j’aurai un œil dans sa vie. Il a une voiture, tu le conduiras, en moins de rien, tu connaîtras ses relations et tu pourras me rendre compte de ses moindres démarches.

— Vous serez obéi, patron.

— Encore un mot. M. de Clameran est un gentilhomme fort susceptible et encore plus soupçonneux. Tu lui seras présenté sous le nom de Joseph Dubois. Il te demandera des certificats. En voici trois qui attestent que tu as servi le marquis de Sairmeuse, le comte de Commarin, et qu’en dernier lieu tu sors de la maison du baron de Wortschen, reparti pour l’Allemagne. Et ouvre l’œil, soigne ta tenue, surveille tes mouvements. Sers bien, mais sans excès. Et pas trop d’honnêteté surtout, tu inspirerais des soupçons.

— Soyez tranquille, patron ; mais où irai-je au rapport ?

— J’irai te voir tous les jours. Jusqu’à nouvel ordre, défense de mettre le pied ici : on peut te suivre. Si une circonstance imprévue survient, adresse une dépêche à ta femme ; elle me préviendra. Va… et sois prudent.

La porte refermée sur Fanferlot, M. Lecoq passa vivement dans sa chambre à coucher.

En un clin d’œil il eut dépouillé les apparences du chef de bureau, la cravate empesée et les lunettes d’or, et rendu la liberté à ses épais cheveux noirs. Le Lecoq officiel disparaissait, faisant place au vrai Lecoq, à celui que personne ne connaît, un beau gars, à l’œil clair, à l’air résolu.

Mais il ne resta soi qu’un instant. Assis devant une