— Mais alors, patron, disait Fanferlot, poursuivant son idée, vous avez confessé cette petite, dont madame Alexandre n’avait pu venir à bout ? Vous savez pourquoi elle quitte le Grand-Archange, pourquoi elle n’attend pas M. de Clameran, pourquoi elle s’est acheté des robes d’indienne ?
— Elle n’agit que d’après mes conseils.
— En ce cas, fit l’agent, profondément découragé, il ne me reste plus qu’à avouer que je ne suis qu’un sot.
— Non, l’Écureuil, reprit M. Lecoq avec bonté, non, tu n’es pas un sot. Tu as eu simplement le tort de te charger d’une tâche au-dessus de tes forces. As-tu fait faire un pas à l’affaire depuis que tu la suis ? Non. C’est que, vois-tu, incomparable comme lieutenant, tu n’as pas le sang-froid d’un général. Je vais te faire cadeau d’un aphorisme, retiens-le, et qu’il devienne la règle de ta conduite : « Tel brille au second rang qui s’éclipse au premier. »
Jamais, non jamais Fanferlot n’avait vu le patron si causeur et si bon enfant. Se voyant découvert, il s’était attendu à un orage qui le jetterait à terre, et pas du tout, il en était quitte pour une averse qui lui lavait à peine la tête. La colère de M. Lecoq se dissipait comme ces nuages noirs qui par moments menacent à l’horizon et qu’un coup de vent balaie.
Pourtant l’époux de Mme Alexandre était inquiet, il se demandait si cette affabilité surprenante ne dissimulait pas quelque arrière-pensée.
— Comme cela, patron, demanda-t-il, vous connaissez le coupable ?
— Pas plus que toi, mon garçon, et même, pendant que tu as déjà une opinion toute faite, je ne sais encore que penser. Tu m’affirmes que le caissier est innocent et que le banquier est coupable, et j’ignore si tu as tort ou raison. Arrivé après toi, j’en suis encore aux préliminaires de mon enquête. Je ne suis certain que d’une seule chose, c’est qu’il y a une éraillure à la porte du coffre-fort. C’est de là que je pars.