— Probablement. Mais je ne suis pas infaillible, je puis avoir laissé passer quelque précieux indice. Prends une chaise et dis-moi tout ce que tu sais.
On n’équivoque pas avec M. Lecoq, on ne ruse pas. Fanferlot fut complètement vrai, ce qui lui arrive rarement. Pourtant, sur la fin de son récit, pris d’un remords de vanité, il ne raconta pas comment, la veille, il s’était laissé jouer par Mme Gypsy et le gros monsieur.
Le malheur est que M. Lecoq n’est jamais informé à demi.
— Il me semble, maître l’Écureuil, fit-il, que tu oublies quelque chose. Jusqu’où as-tu suivi le fiacre vide ?
Fanferlot, en dépit de son aplomb, rougit jusqu’aux oreilles et baissa les yeux ni plus ni moins qu’une pensionnaire prise en faute.
— Quoi ! patron, balbutia-t-il, cela aussi, vous le savez ? comment avez-vous pu…
Mais une idée subite traversant son cerveau, il s’arrêta court, bondit sur sa chaise et s’écria :
— Oh ! j’y suis… ce gros monsieur à favoris roux, c’était vous.
La surprise de Fanferlot donnait à sa physionomie une si singulière expression, que M. Lecoq ne put s’empêcher de sourire.
— Ainsi, c’était vous, reprit l’agent émerveillé, c’était vous ce gros homme que j’ai dévisagé, et je ne vous ai pas reconnu ! Ah ! patron, quel acteur vous feriez, si vous le vouliez ! moi aussi, je m’étais déguisé !
— Et bien mal, mon pauvre garçon, c’est une justice à te rendre. Penses-tu donc qu’il suffise, pour être méconnaissable, d’une barbe épaisse et d’une blouse ? Et l’œil, malheureux ! et l’œil ! C’est l’œil qu’il faut changer. Là est le secret.
Cette théorie du regard en matière de travestissement explique pourquoi le Lecoq officiel qui rendrait des points au lynx, n’a jamais été rencontré dans les couloirs de la préfecture de police, sans ses lunettes à branches d’or.