— Mais, patron, ce n’est pas moi…
M. Lecoq s’était levé et arpentait son cabinet. Tout à coup il revint sur Fanferlot.
— Que penses-tu, maître l’Écureuil, demanda-t-il d’un ton dur et ironique, d’un homme qui abuse la confiance de ceux qui l’emploient, qui révèle de ce qu’il découvre juste assez pour égarer la prévention, qui trahit au profit de sa sotte vanité et la cause de la justice et celle d’un malheureux prévenu ?
Fanferlot effrayé avait reculé d’un pas.
— Je dirais, essaya-t-il, je dirais…
— Tu penses qu’on doit punir cet homme et le chasser, et tu as raison. Moins une profession est honorée, plus ceux qui l’exercent doivent être honorables. C’est toi, cependant, qui as trahi. Ah ! maître l’Écureuil, nous sommes ambitieux, et nous essayons de faire de la police de fantaisie. Nous laissons la justice s’égarer de son côté et nous cherchons d’un autre. Il faut être un limier plus fin que tu n’es, mon garçon, pour chasser sans chasseur et à son compte.
— Mais, patron, je vous jure…
— Tais-toi. Voudrais-tu me prouver que tu as tout dit au juge d’instruction, comme c’était ton devoir ? Allons donc ! Pendant qu’on instruit contre le caissier, tu instruis, toi, contre le banquier, tu l’épies, tu te lies avec son valet de chambre.
M. Lecoq était-il véritablement en colère ? Fanferlot qui le connaît bien, en doutait un peu, mais avec ce diable d’homme on ne sait jamais à quoi s’en tenir.
— Si encore tu étais habile, poursuivait-il, mais non. Tu voudrais être maître et tu n’es même pas bon ouvrier.
— Vous avez raison, patron, fit piteusement Fanferlot qui ne songeait plus à nier. Mais comment s’y prendre dans une affaire comme celle-ci, où il n’y avait pas une trace, pas une pièce de conviction, pas un indice, rien de rien !
M. Lecoq haussa les épaules.