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Certainement Fanferlot, dit l’Écureuil, n’a pas peur du patron, comme il l’appelle, et la preuve, c’est qu’il partit du Grand-Archange la tête haute, le chapeau posé de côté. Cependant, arrivé à la rue Montmartre, qu’habite M. Lecoq, sa crânerie avait sensiblement diminué. Il eut quelques palpitations en s’engageant dans l’allée de la maison et il fit plusieurs pauses en montant l’escalier.

Arrivé au troisième étage, devant une porte décorée des armes du célèbre agent, — un coq, symbole de la vigilance, — le cœur lui manqua presque et il eut de la peine à se décider à sonner.

La servante de M. Lecoq, une ancienne réclusionnaire taillée en carabinier, plus dévouée à son maître qu’un chien de berger, Janouille enfin, vint lui ouvrir.

— Ah ! fit-elle, en l’apercevant, vous tombez bien, M. l’Écureuil, le patron vous attend.

À cette annonce, Fanferlot fut saisi d’une violente envie de battre en retraite. Pourquoi, comment, par quel hasard était-il attendu ?…

Mais, pendant qu’il hésitait, Janouille le saisit par le bras, et, l’attirant à elle, le fit entrer dans l’appartement en disant :

— Voulez-vous prendre racine ici ? Allons, arrivez, le patron travaille dans son cabinet.

Au milieu d’une vaste pièce, bizarrement meublée, moitié bibliothèque de lettré, moitié loge d’acteur, assis devant un bureau, écrivait ce même personnage à lunettes d’or, qui dans les couloirs du dépôt avait dit à Prosper Bertomy : « Bon courage. »

C’était M. Lecoq, sous ses apparences officielles.

À l’entrée de Fanferlot, qui s’avançait respectueusement, l’échine en cerceau, il leva légèrement la tête, posa sa plume et dit :

— Ah ! te voilà, enfin ! mon garçon. Eh bien ! ça ne va donc pas, cette affaire Bertomy ?

— Comment, balbutia Fanferlot, vous savez…

— Je sais que tu as si bien embrouillé les choses que tu n’y vois plus rien, que tu es rendu.