Fanferlot le regardait de tous ses yeux.
— Toi, mon bonhomme, pensait-il, quelque part que je te rencontre maintenant, je te reconnaîtrai, et, ce soir même, en te suivant, je saurai qui tu es.
Par malheur, il avait beau prêter l’oreille, il n’entendait rien absolument de ce que se disaient le nouveau venu et Mme Gypsy. Tout ce qu’il pouvait faire, c’était de tâcher de deviner à leur pantomime et au jeu de leur physionomie le sujet de leur conversation.
Tout d’abord, quand le gros homme l’avait saluée, la jeune femme avait eu l’air si surpris, qu’il était clair, qu’elle le voyait pour la première fois. Lorsque, s’étant assis, il lui eut dit quelques mots, elle se leva à demi avec un geste d’effroi, comme si elle eût voulu s’enfuir. Un regard seul suffit pour la faire se rasseoir. Puis, à mesure que parlait le gros monsieur, l’attitude de Gypsy trahissait une certaine appréhension. Elle fit un geste négatif, mais elle sembla se rendre à une bonne raison qui lui fut donnée. À un moment, elle parut près de pleurer, et presque aussitôt un sourire éclaira son joli visage. Enfin, elle étendit la main, comme si elle eût prêté un serment.
Mais qu’est-ce que cela signifiait ? Fanferlot, sur sa banquette, se rongeait les poings.
— Idiot que je suis ! se disait-il, de m’être placé si loin.
Il songeait à exécuter quelque manœuvre habile pour se rapprocher sans éveiller les soupçons, lorsque le gros monsieur se leva, offrit son bras à Mme Gypsy qui l’accepta sans façon, et ensemble ils se dirigèrent vers la porte.
Ils avaient l’air si préoccupés l’un et l’autre, que Fanferlot ne vit nul inconvénient à les suivre d’assez près ; sage précaution, car il y avait foule sur le boulevard.
Arrivé sur la porte, il vit le gros homme et Gypsy traverser le trottoir, s’approcher d’un fiacre, non loin du bureau des omnibus, et monter dans ce fiacre.
— Parfait ! grommela Fanferlot, je les tiens, maintenant, inutile de se presser.