Page:Gaboriau - Le Dossier n°113, 1867.djvu/107

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Mais c’est une imprudence horrible, une folie ; c’est un piége qu’on vous tend.

— Eh ! qu’importe, madame ! interrompit Gypsy, je suis assez malheureuse désormais pour n’avoir plus rien à redouter.

Et sans vouloir entendre un mot de plus, elle sortit.

Mme Gypsy n’était pas dans la rue, que déjà Fanferlot avait bondi hors de sa cachette.

Le doux agent était blême de fureur et jurait comme un possédé.

— Mille millions de tonnerre ! criait-il, qu’est-ce donc que cette maison du Grand-Archange où on se promène aussi librement que sur une place publique !

L’ancienne marchande à la toilette, décontenancée, tremblante, ne savait où se mettre.

— A-t-on jamais vu chose pareille ! poursuivait l’agent ; un commissionnaire est venu, et personne ne l’a vu ! Comment s’y est-il pris pour s’introduire ainsi furtivement ? Ah ! je flaire là-dessous quelque gredinerie. Et vous, Mme Alexandre, vous une femme intelligente, vous êtes assez simple pour détourner cette petite vipère de ce rendez-vous !…

— Mais, mon ami…

— Quoi ! vous n’avez donc pas compris que je vais la suivre et savoir ainsi ce qu’elle nous cache. Allons vite, aidez-moi, il faut qu’elle ne puisse pas me reconnaître.

En un tour de main, Fanferlot, affublé d’une perruque et d’une barbe épaisse, ne se ressemblait plus. Il avait endossé une blouse et avait toutes les apparences d’un de ces ouvriers peu honnêtes qui cherchent de l’ouvrage en priant Dieu de n’en pas trouver.

Quand il fut prêt :

— As-tu ta carte et ton « coup de poing, » demanda Mme Alexandre, toujours pleine de sollicitude.

— Oui, oui ! fais jeter à la poste la lettre de cette malheureuse à M. de Clameran et… bonne garde.

Et, sans écouter son épouse, qui lui criait : « Bonne chance ! » Fanferlot s’élança dehors.