Page:Gaboriau - Le Crime d’Orcival, 1867.djvu/98

Cette page a été validée par deux contributeurs.

être pas, — et de plus, faites uniquement avec le bout du pied, — et cela vous pouvez le remarquer.

— Oui, cela, en effet, je le reconnais.

— Eh bien ! monsieur, quand il y a eu lutte sur un terrain favorable aux investigations, comme celui-ci, on relève deux sortes de vestiges fort distincts : ceux de l’assaillant et ceux de la victime. L’assaillant, qui se précipite en avant, s’appuie nécessairement sur la partie antérieure du pied et l’imprime sur la terre. La victime, au contraire, qui se débat, qui cherche à se débarrasser d’une étreinte fatale, fait son effort en arrière, s’arc-boute sur les talons, et moule par conséquent les talons dans le sol. Si les adversaires sont de force égale, on trouve en nombre à peu près égal les empreintes de bouts de pieds et de talons, selon les hasards de la lutte. Ici, que trouvons-nous ?…

Le père Plantat interrompit l’agent de la sûreté.

— Assez, monsieur, lui dit-il, assez, l’homme le plus incrédule serait maintenant convaincu.

Et après un instant de méditations, répondant à sa pensée intime, il ajouta :

— Non, il n’y a plus, il ne peut plus y avoir d’objection.

M. Lecoq, de son côté, pensa que sa démonstration valait bien une récompense, et triomphalement il avala un carré de réglisse.

— Je n’ai cependant pas encore fini, reprit-il. Nous disons donc que la comtesse n’a pu être achevée ici. J’ajouterai : elle n’y a pas été portée, mais traînée. La constatation est aisée. Il n’est que deux façons de traîner un cadavre. Par les épaules, et alors les deux pieds traînant à terre laissent deux sillons parallèles. Par les jambes, et alors la tête portant sur le sol laisse une empreinte unique et assez large.

Le père Plantat approuva d’un mouvement de tête.

— En examinant le gazon, poursuivit l’agent de la sûreté, j’ai relevé les sillons parallèles des pieds, mais l’herbe était foulée sur un espace assez large. Pourquoi ?