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servait pour indiquer les objets à la façon des saltimbanques qui montrent sur les tableaux de leurs baraques la représentation des merveilles qu’on voit à l’intérieur.

— Non, disait-il, non, monsieur le juge de paix, madame de Trémorel n’a pas fui. Frappée ici, elle serait tombée avec une certaine violence ; son poids, par conséquent, eût fait jaillir de l’eau assez loin, et non-seulement de l’eau, mais encore de la vase, et nous retrouverions certainement quelques éclaboussures.

— Mais, ne pensez-vous pas que depuis ce matin, le soleil…

— Le soleil, monsieur, aurait absorbé l’eau, mais la tache de boue sèche serait restée, or, j’ai beau regarder, un à un pour ainsi dire, tous les cailloux de l’allée, je n’ai rien trouvé. On pourrait m’objecter que c’est de droite et de gauche que l’eau et la vase ont jailli. Moi, je réponds : examinez ces touffes de glaïeuls, ces feuilles de nénuphar, ces tiges de jonc ; sur toutes ces plantes vous trouvez une couche de poussière, très-légère, je le sais, mais enfin de la poussière. Apercevez-vous la trace d’une seule goutte d’eau ? Non. C’est qu’il n’y a point eu jaillissement, par conséquent pas de chute violente, c’est donc que la comtesse n’a pas été tuée ici, c’est donc qu’on a apporté son cadavre et qu’on l’a déposé doucement où vous l’avez retrouvé.

Le père Plantat ne paraissait pas encore absolument convaincu.

— Mais ces traces de lutte, sur le sable, là, dit-il.

M. Lecoq eut un joli geste de prostration.

— Monsieur le juge de paix daigne sans doute plaisanter, répondit-il, ces marques-là ne tromperaient pas un lycéen.

— Il me semble cependant…

— Il n’y a pas à s’y tromper, monsieur. Que le sable ait été remué, fouillé, c’est positif. Mais toutes ces traînées qui mettent à nu le sol que recouvrait le sable, ont été faites par le même pied, cela vous ne le croyez peut-