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d’eau-de-vie, il le prenait dans la cave à liqueurs que voici, là sur le poêle.

— Il n’y avait donc pas dans les armoires de bouteilles de rhum ou de cognac entamées ?

— Pour ça, non, monsieur.

— Merci, mon garçon, tu peux te retirer.

François allait sortir, M. Lecoq le rappela.

— Eh ! lui dit-il d’un ton léger, pendant que nous y sommes, regarde donc dans le bas de l’encoignure, si tu retrouves ton compte de bouteilles vides.

Le domestique obéit, et l’armoire ouverte, s’écria :

— Tiens ! il n’y en a plus une seule.

— Parfait ! reprit M. Lecoq. Cette fois-ci, mon brave, montre-nous tes talons pour tout de bon.

Aussitôt que le valet de chambre eut fermé la porte :

— Eh bien ! demanda l’agent de la sûreté que pense monsieur le juge de paix ?

— Vous aviez raison, M. Lecoq.

L’agent de la sûreté, alors, flaira successivement tous les verres et toutes les bouteilles.

— Allons, bon ! s’écria-t-il en haussant les épaules, encore une preuve nouvelle à l’appui de mes suppositions.

— Quoi encore ? demanda le vieux juge de paix.

— Ce n’est même pas du vin, monsieur, qu’il y a au fond de ces verres. Parmi toutes les bouteilles vides, déposées dans le bas de cette armoire, il s’en trouve une, la voici, ayant contenu du vinaigre, et c’est de cette bouteille que les assassins ont versé quelques gouttes.

Et, saisissant un verre, il le mit sous le nez du père Plantat, en ajoutant :

— Que monsieur le juge de paix prenne la peine de sentir.

Il n’y avait pas à discuter, le vinaigre était bon, son odeur était des plus fortes, les malfaiteurs dans leur précipitation avaient laissé derrière eux cette preuve irrécusable de leur intention d’égarer l’enquête.

Seulement, capables des plus artificieuses combinai-