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la victime, donc il y a été placé par les meurtriers eux-mêmes.

Le corps de Mme de Trémorel est criblé de coups de poignard et affreusement meurtri, donc elle a été tuée d’un seul coup…

— Bravo ! oui, bravo ! s’écria le père Plantat, visiblement charmé.

— Eh ! non, pas bravo ! fit M. Lecoq, car ici mon fil se casse, je rencontre une lacune. Si mes déductions étaient justes, cette hache aurait été remise bien paisiblement sur le parquet.

— Si ! encore une fois, bravo ! reprit le père Plantat, car cette circonstance est une particularité qui n’infirme en rien notre système général. Il est clair, il est certain que les assassins ont eu l’intention d’agir comme vous dites. Un événement qu’ils ne prévoyaient pas les a dérangés.

— Peut-être, approuva l’agent de la sûreté à demi-voix, peut-être votre observation est-elle juste. Mais c’est que je vois encore autre chose…

— Quoi ?…

— Rien… pour le moment, du moins. Il est nécessaire, avant tout, que je voie la salle à manger et le jardin.

M. Lecoq et le vieux juge de paix descendirent bien vite, et le père Plantat montra à l’agent les verres et les bouteilles qu’il avait fait mettre de côté.

L’homme de la préfecture prit les verres l’un après l’autre, les portant à la hauteur de son œil, les exposant au jour, étudiant les places humides qui ternissaient le cristal.

L’examen terminé.

— On n’a bu dans aucun de ces verres, déclara-t-il résolûment.

— Quoi ! pas dans un seul ?

L’agent de la sûreté arrêta sur le vieux juge un de ces regards qui font tressaillir la pensée aux plus profonds replis de l’âme et répondit en mettant un intervalle calculé entre chacun de ces mots :