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vie, d’un esprit également subtil et délié, pas un mot, d’ailleurs, ne fut échangé.

Ils s’entendaient, ils se comprenaient.

— Toi, mon bonhomme, se disait l’agent de la sûreté, tu as quelque chose dans ton sac, seulement c’est si énorme, si monstrueux, que tu ne l’exhiberais pas pour un boulet de canon. Tu veux qu’on te force la main ? On te la forcera.

— Il est futé, pensait le père Plantat, il sait que j’ai une idée, il la cherchera et certainement il la trouvera.

M. Lecoq avait remis dans sa poche la bonbonnière à portrait ainsi qu’il fait, quand il travaille sérieusement. Son amour-propre d’élève du père Tabaret était émoustillé. Il jouait une partie et il est joueur.

— Donc, s’écria-t-il, à cheval et rendez la main. On a, dit le procès-verbal de monsieur le maire d’Orcival, trouvé l’instrument avec lequel on a tout brisé ici.

— Nous avons retrouvé, répondit le père Plantat, dans une chambre du second étage, donnant sur le jardin, une hache, par terre, devant un meuble attaqué légèrement, mais non ouvert ; j’ai empêché qu’on y touchât.

— Et bien vous avez fait, monsieur. Est-elle lourde, cette hache ?

— Elle doit bien peser un kilo.

— C’est parfait, montons la voir.

Ils montèrent, et M. Lecoq aussitôt, oubliant son rôle de mercier soigneux de ses vêtements, se coucha à plat ventre, étudiant alternativement, et la hache, une arme terrible, pesante, emmanchée de frêne, et le parquet luisant et bien ciré.

— Je suppose, moi, observa le juge de paix, que les malfaiteurs ont monté cette hache et ont attaqué ce meuble dans le seul but d’éparpiller les suppositions de l’enquête, pour compliquer le problème. Cette arme n’était certes pas nécessaire pour enfoncer cette armoire qui ne tient à rien, que je briserais avec mon poing. Ils ont donné un coup, un seul, et posé la hache tranquillement.