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Madame étendue à terre. Comme de juste, j’appelle au secours, la femme de chambre arrive, la cuisinière, les autres, et nous portons madame sur son lit. Il paraît, m’a dit Justine, que c’est une lettre de Mlle  Laurence qui a mis madame dans cet état…

Le domestique qu’on ne gronde jamais était à battre. À chaque mot, il s’arrêtait, hésitait, cherchait ; ses yeux, démentant sa figure contrite, trahissaient l’extrême satisfaction qu’il ressentait d’un malheur survenu à son maître.

Ce maître, hélas ! était consterné. Ainsi qu’il nous arrive à tous, quand nous ne savons au juste quel malheur va nous atteindre, il tremblait d’interroger. Il restait là, anéanti, ne bougeant ; se lamentant au lieu de courir.

Le père Plantat profita de ce temps d’arrêt pour questionner le domestique, et avec un tel regard que le drôle n’osa pas tergiverser.

— Comment, demanda-t-il, une lettre de Mlle  Laurence, elle n’est donc pas ici ?

— Non, monsieur, elle est partie il y a eu hier huit jours pour aller passer un mois chez une des sœurs de madame.

— Et comment va Mme  Courtois ?

— Mieux, monsieur, seulement elle pousse des cris à faire pitié.

L’infortuné maire s’était redressé sous le coup. Il saisit son domestique par le bras.

— Mais viens donc, malheureux, lui cria-t-il, viens donc !…

Et ils sortirent en courant.

— Pauvre homme ! fit le juge d’instruction, sa fille est peut-être morte.

Le père Plantat hocha tristement la tête.

— Si ce n’était que cela, dit-il.

Et il ajouta :

— Rappelez-vous, monsieur, les allusions de La Ripaille.