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— Le jour, peut-être, mais la nuit !…

Si M. Courtois causait si longtemps, c’est que ses auditeurs observaient attentivement le juge d’instruction.

— Enfin, conclut M. Domini, si contre tout espoir Guespin ne se décide pas à parler ce soir ou demain, le cadavre du comte nous donnera le mot de l’énigme.

— Oui, répondit le père Plantat, oui…, si on le retrouve.

Pendant cette discussion assez longue, M. Lecoq avait continué ses investigations, soulevant les meubles, étudiant les fractures, interrogeant les moindres débris, comme s’ils eussent pu lui apprendre la vérité.

Parfois, il sortait d’une trousse, renfermant une loupe et divers instruments de formes bizarres, une tige d’acier recourbée vers le bout, qu’il introduisait et faisait jouer dans les serrures.

Sur le tapis, il ramassa plusieurs clés, et sur un séchoir, il trouva une serviette qui devait lui offrir quelque chose de remarquable, car il la mit de côté.

Il allait et venait, de la chambre à coucher au cabinet du comte, sans perdre toutefois un mot de ce qui se disait, faisant bon profit de toutes les observations, recueillant et notant bien, dans sa mémoire, moins les phrases elles-mêmes que les intonations diverses qui les accentuaient.

C’est que dans une instruction comme celle du Crime d’Orcival, lorsque plusieurs délégués de la justice se trouvent en présence, ils se tiennent sur la réserve. Ils se savent tous presque également expérimentés, fins, perspicaces, pareillement intéressés à découvrir la vérité, peu disposés par habitude à se payer d’apparences trompeuses, difficiles à surprendre, et la circonspection naturelle de chacun d’eux s’augmente de l’estime qu’il a pour la sagacité et la pénétration des autres.

Il se peut que chacun d’eux donne aux faits révélés par l’enquête une interprétation différente, il se peut que chacun d’eux ait sur le fond même de l’affaire un senti-