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quand on l’a frappée. Était-elle donc encore debout, prenant une tasse de thé à trois heures du matin ? C’est peu probable.

— Et moi aussi reprit l’agent de la sûreté, j’ai été frappé de cette circonstance, et c’est pour cela que tout à l’heure je me suis écrié : « Pas si bêtes ! » Au surplus, nous allons bien voir.

Aussitôt, avec des précautions infinies, il releva la pendule et la replaça sur la tablette de la cheminée, s’appliquant à la poser bien d’aplomb.

Les aiguilles étaient toujours arrêtées sur trois heures vingt minutes.

— Trois heures vingt, murmurait M. Lecoq, tout en glissant une petite cale sous le socle, ce n’est pas à cette heure-là, que diable ! qu’on prend le thé. C’est encore moins à cette heure-là, qu’en plein mois de juillet, au lever du jour, on assassine les gens.

Il ouvrit, non sans peine, le caisson du cadran et poussa la grande aiguille jusque sur la demie de trois heures.

La pendule sonna onze coups.

— À la bonne heure ! s’écria M. Lecoq triomphant, voilà la vérité !

Et tirant de sa poche la bonbonnière à portrait, il goba un carré de guimauve et dit :

— Farceurs !…

La simplicité de ce moyen de contrôle, auquel personne n’avait songé, ne laissait pas de surprendre les spectateurs.

M. Courtois, particulièrement, était émerveillé.

— Voilà, dit-il au docteur, un drôle qui ne manque pas de moyens dans sa partie.

Ergo, reprenait M. Lecoq, qui sait le latin, nous avons en face de nous, non plus des brutes, comme j’ai failli le croire d’abord, mais des gredins qui y voient plus loin que le bout de leur couteau. Ils ont mal calculé leur affaire, c’est une justice à leur rendre, mais enfin ils ont calculé ; l’indication est précise. Ils ont eu